Le musée des Gloires de France
A toutes les Gloires de la France !
La Révolution a pour conséquence la nationalisation des biens culturels. Les œuvres sont également touchées par la Révolution, dorénavant elles appartiennent à la nation et ainsi au peuple français. La création des musées est une conséquence de la Révolution et c’est sous un contexte mouvementé que viendra au pouvoir à la suite de la démission de Charles X, le futur roi des Français Louis Philippe d’Orléans.
Le 6 octobre 1789, est une date importante, à compter de ce jour la monarchie française quitte le Château de Versailles. Le château devient le symbole du despotisme et du pouvoir royal. En 1792, certains révolutionnaires souhaitaient même la destruction du château. Avant de devenir le musée des Gloires de France le château servi par exemple de dépôt pour des objets d’art confisqués et en 1797 il fût un musée spécial de l’école française.
Près de quarante années plus tard, le château retrouve sous le règne de Louis Philippe une certaine splendeur. C’est la convention en date du 5 mai 1794 qui permet de redonner une utilité au château de Versailles, ainsi le château sera « consacré et entretenus aux frais de la République, pour servir aux jouissances du peuple et former des établissements utiles à l’agriculture et aux arts ».
Né en 1773 et décédé en 1850, Louis Philippe Ier règne sur la France aux cours des années 1830 et 1848. Surnommé le roi des Français, Louis Philippe est un homme intelligent et cultivé appréciant l’art et l’histoire. C’est pour rattacher deux de ses passions mais surtout pour consoler le cœur de tous les Français que Louis Philippe tente de redonner à Versailles une splendeur en transformant l’ancien château royal en monument national. Le « Roi des Français » a ainsi pour volonté de faire du château de Versailles un musée.
Durant tout son règne, le souverain sera investi par cette cause, demandant l’intégration et la création d’œuvres pour ses célèbres Galeries Historiques.

Devenu un symbole politique fort, le château ne peut accueillir en son sein la monarchie. En effet, ce serait une catastrophe pour la monarchie de juillet. Le château devient ainsi le musée d’Histoire de France, cette histoire est commune à tous les Français et ceux quel que soit leur rang social. Bourgeois, nobles et paysans se partagent une histoire commune. A la suite de la Révolution le peuple français est fragilisé. Ainsi, le roi Louis Philippe souhaite réconcilier les Français avec leur Histoire et leur pays.
Le statut social de chacun disparait au profit d’une histoire commune, d’une histoire nationale. Ce musée est donc la volonté personnelle de Louis Philippe. Ce dernier s’appuie sur l’aide des intellectuels et des architectes pour réaliser le musée.
L’œuvre Le Roi Louis Philippe entouré de ses cinq fils sortant par la grille du château de Versailles après avoir passé une revue militaire dans les cours, le 10 juin 1837 réalisée par le peintre Horace Vernet représente la volonté du souverain. L’on peut apercevoir l’inscription « à toutes les gloires de France » mais également la présence de drapeau tricolore. Ce n’est donc pas un hasard si Louis Philippe est surnommé le « roi des Français ».
De surcroit, l’intérêt du roi pour les arts était connu de tous ainsi le poète Heinrich Heine écrivit « qu’à l’exception du roi de Bavière, Louis-Philippe est de tous les princes celui qui se connait le mieux en beaux-arts. ». Le roi s’intéresse au peintre de son temps et de son époque. Il voue également un intérêt pour les œuvres de l’artiste Jacques-Louis David et de ses élèves. Les choix artistiques du souverain sont le reflet de son éducation résolument moderne. Le roi possède également une passion pour les portraits, cet intérêt est visible au sein des Galeries Historiques.
Ainsi entre 1833 et 1837, soit pendant quatre ans des travaux colossaux débutèrent dans le but de faire du château de Versailles un musée rassemblant tous les Français à travers une Histoire qui leur est commune et qui est représentée par les œuvres exposées.
C’est au cours de l’année 1833 que les premiers plans du musée voient le jour et que les travaux débutent. Le 1 septembre 1833 dans la commune de Cherbourg, Louis Philippe signa le rapport de Montalivet dans lequel est présenté le plan du futur musée. Pour mener à bien les travaux, il s’entoura de Dubuc, directeur des Bâtiments, de l’intendant de la liste Civile Montalivet, du bibliothécaire Vatout, de l’historien Trognon, des deux directeurs de l’administration des musées royaux, Forbin et Cailleux et enfin des conservateurs du Louvre Granet et Clarac. Le souverain confie l’entreprise à l’architecte du château, Frédéric Nepveu et à son architecte Pierre Fontaine.
Selon les comptes-rendus de Charles-Frédéric Nepveu, entre 1833 et 1848, Louis Philippe réalisera pas moins de 398 visites au château prouvant ainsi son implication dans ce projet. Ce dernier utilise également son argent personnelle pour financer le projet. Environ 28 millions de francs sont ainsi utilisés pour le financement du musée.
140 personnes dont 71 dessinateurs vont travailler au côté de Charles-Frédéric Nepveu pour la réalisation du musée. 2000 plans sont réalisés sur lesquelles figurent les collections d’œuvres et d’objets d’art exposées au sein du musée. Une pièce exposant les dessins de Nepveu vit le jour, ce dernier ayant demandé à Louis Philippe une salle dans le but d’exposer ses nombreux croquis architecturaux. Le souverain souhaitait remercier l’architecte pour le travail accompli, cette pièce fût ouverte au cours de l’année 1846. Les dessins de Nepveu permettent la postérité pour comprendre les constructions multiples qu’il y a eu au sein du château. Le musée est constitué de salles surnommées les grandes Galeries Historiques. Certains espaces sont supprimés et modifiés comme par exemple les dédales des appartements des courtisans situés dans l’aile Nord et l’aile du Midi.

Les travaux débutèrent par l’aile du midi avec la Galerie des Batailles située à l’étage en face de la galerie des glaces, cette galerie se termine par une salle consacrée à la monarchie de juillet, la salle de 1830.
Le « goût pour l’ordre » et la classification s’exprime dans l’exposition des collections, toutes les œuvres sont ordonnées et classées de manière chronologique. C’est un véritable programme que proposaient les Galeries Historiques. Les œuvres sont de natures différentes, ce qui montre la richesse des collections. Ainsi, on y retrouve peintures, moulages et sculptures. Le roi des Français montre ainsi sa volonté d’établir une « politique identitaire de la mémoire ».
Si le programme des travaux fût ambitieux, celui des œuvres exposées l’est tout autant. Au total, 5000 œuvres sont exposées. Plus de milles tableaux sortent des réserves du Louvre afin d’être exposés dans les galeries du musée. D’autres sortent des réserves royales. Cependant, il manque de nombreuses œuvres afin de réaliser un véritable musée. Ainsi, Louis Philippe passera plus de 3000 commandes pour remplir son musée.
Les collections sont regroupées en cinq parties, on retrouve dans ces collections, des portraits, des bustes, des sculptures, des médailles, des moulures, ou encore des bas-reliefs. Au rez-de-chaussée de l’aile du midi dans les anciens appartements des enfants de France furent installés des tableaux des diverses campagnes napoléoniennes. La galerie parallèle expose des bustes et des statues. A l’étage, se trouve la galerie des batailles. Chaque salle est organisée minutieusement et chronologiquement.
Le programme des œuvres évolue pour aller jusqu’à la Révolution. Les œuvres rentrées dans les collections se composent de plusieurs portraits royaux mais aussi des batailles peintes notamment par l’artiste Frans Van der Meulen peintre sous le règne de Louis XIV. Elles évoquent l’histoire militaire de la France, d’autres œuvres complétaient les collections et étaient commandées par des artistes contemporains de l’époque.

Parmi les nombreuses salles que compte le musée, la Galerie des Batailles est l’une des plus importantes. Cette dernière est très importante aux yeux de Louis Philippe. La mise en place des œuvres a nécessité plusieurs campagnes de restauration. On peut qualifier l’entreprise du musée de « sauvetage » pour le peuple français et pour le château désert.
Au sein de la salle des Croisades, toutes les régions et une grande partie des familles ayant servi pour la France sont représentées grâce à la présence de leur blason. Le but est toujours de faire de ce musée, un Musée des Gloires de France. L’Histoire passe ainsi par l’illustration et par l’art. Le musée a une valeur fondamentale pour l’époque, il en devient une encyclopédie de l’histoire de France. La présence de cartel souligne l’aspect pédagogique du musée. La collection est non seulement un reflet de l’héritage familial du roi mais elle est également un témoignage de l’histoire commune à tous les Français.
Ce musée est le reflet d’une réappropriation par les Français de leur histoire. L’histoire devient un agent de la réconciliation nationale. Le roi fit face à divers problèmes dans la réalisation de son musée, par exemple l’encadrement mural des œuvres est problématique pour la restauration et la conservation des objets.
De plus, le programme iconographique oublie certains événements. Choisi par Louis Philippe, le programme iconographique illustre une histoire de France sous les yeux de Louis Philippe. Ainsi, aucune œuvre représentant des conflits religieux n'est exposée, la présence de batailles qui auraient été perdu par la France ne figure pas non plus parmi la multitude d’œuvres exposées. Selon Valérie Bajou, le roi insiste sur les batailles remportées par la France, cette volonté de ne montrer que les grands évènements exprime l'intention d’effacer l’humiliation de 1814 – 1818.
Ainsi, certaines périodes sont très peu illustrées par les œuvres exposées pour redorer l’histoire de la France dans le cœur des Français.
La cérémonie d’inauguration fût grandiose. Le musée est inauguré le 10 juin 1837, le roi ayant marié le 30 mai de la même année son fils le duc d’Orléans avec Hélène Mecklembourg-Schwerin. Comme le représente Auguste Vinchon, Louis Philippe est entouré œuvres de sa famille et de ses ministres. L’inauguration débute au sein de la galerie des Batailles, cette dernière est importante aux yeux du roi.
Après le discours d’inauguration, une visite du musée a lieu dans le but de montrer les travaux et les collections du musée. De nombreuses personnalités intellectuels sont présents à l’inauguration comme par exemple Victor Hugo.
Au sein de la galerie des glaces un banquet est organisé et un spectacle à l’Opera Royal a lieu. La Comédie française est ainsi conviée à jouer une des plus célèbres pièces de Molière qui s’intitule, le Misanthrope. Néanmoins, l’accès à la pièce est réservé aux personnalités tout le monde ne peut rentrer.

Plus de 1500 invités furent conviés aux festivités. Parmi les invités on trouvait le bibliothécaire Jean Vatout, l’auteur Victor Hugo ou encore François Guizot. Ce dernier prononça ces mots pour parler de la cérémonie : « Je garde encore l’impression qui me saisit à l’aspect de cette foule empressée, curieuse et qui se précipitait un peu confusément de salle en salle à la suite du roi : c’était la France nouvelle, mêlée, bourgeoise, démocratique envahissant le palais de Louis XIV».
Une visite au flambeau a également eu lieu. La visite se termine devant la statue de Jeanne d’Arc. Le lendemain de l’inauguration, une seconde inauguration réservée au public est organisée. Ces inaugurations sont les premières festivités ayant eu lieu à Versailles depuis la Révolution française. Le Musée participe à la mémoire et à l’identification du peuple français qui s‘identifie grâce à son histoire.
Le musée des Gloires de France est un musée d’Histoire mais également une encyclopédie racontant au travers des salles l’Histoire de la France à travers des œuvres illustrant des événements emblématiques de l’Histoire de la France. Le musée des Gloires de France est l’œuvre du roi Louis Philippe.
L’une des galeries, la galerie des batailles, s’oppose à la galerie des glaces symbole du règne de louis XIV et de la splendeur royal et monarchique. La création de ses galeries illustrent l’apogée du règne du souverain. Tout comme les œuvres qui deviennent des biens nationaux, le château de Versailles devient un monument national.
La Galerie des Batailles est plus longue et plus large que la galerie des glaces. Ses deux galeries s’opposent et on fait l’objet toutes deux de festivités. Elles symbolisent une certaine rivalité entre les deux rois et entre deux politiques différentes. L’inauguration est également comparable à un coup médiatique pour le régime politique de la monarchie de juillet. Avec le musée de Louis Philippe l’Ancien Régime n’existe plus.
Néanmoins, l’histoire du château et donc son passé est encore présent. Œuvre du règne de louis Philippe, le musée et son développement seront arrêtés après la chute du règne du roi des français. Il faudra attendre le règne de Napoléon III pour que les aménagements soit achevés. La guerre de 1870 et 1871 marque à nouveau l’arrêt du musée.
A la fin du XIXe siècle, le musée n’existe plus. En effet, le conservateur Pierre de Nolhac souhaite rendre à Versailles son aspect royal. Il réorganise ainsi les collections et démonte une grande partie du musée du roi des Français. Aujourd’hui Versailles reste le lieu de résidence de l’Ancien Régime néanmoins il reste également le lieu ayant servi de musée au cours du XIXe siècle.
travers les collections d’œuvres et d’objets d’art exposés dans son musée des Gloires de France, Louis Philippe nous montre toute l’attention qu’il porte envers son peuple, le musée est ainsi le symbole d’une nouvelle monarchie plus forte.
Selon les mots de l’auteur Victor Hugo: « Ce que Louis-Philippe a fait à Versailles est bien. Avoir accompli cette œuvre, c’est avoir été grand comme un roi et impartial comme un philosophe, c’est avoir fait un monument national d’un monument monarchique, c’est avoir mis une idée immense dans un immense édifice, c’est avoir installé le présent chez le passé, 1789 vis-à-vis de 1688, l’empereur chez le roi, Napoléon chez Louis XIV ; en un mot, c’est avoir donné à ce livre magnifique qu’on appelle l’histoire de France, cette magnifique reliure qu’on appelle Versailles."
Véritable symbole, le musée des Gloires de France n’existe plus aujourd’hui mais certaines galeries peuvent encore être visitées. Nous pouvons également nous poser la question de savoir si aujourd’hui le château peut-il être encore considéré comme un Musée puisqu’il conserve en son sein des œuvres et du mobilier et a fait les fruits de plusieurs expositions d’art contemporain comme celle de Jeff Koons et Xavier Veilhan dont les œuvres contemporaines contrastent fortement avec le lieu.
Du 6 octobre 2018 au 3 février 2019, le château de Versailles a accueilli une exposition consacrée à Louis Philippe et son musée, pour l’occasion 200 œuvres retraçant l’histoire du musée ont été exposées.
Bibliographie
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